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Kamikaze
Je le
vois
l'objectif qui m'a été assigné avant mon départ.
Je le
vois
ce navire américain en train de filer droit vers Okinawa.
Je
vais
pouvoir réaliser ma mission et envoyer mon avion juste au-dessus de la
ligne de
flottaison. Ma charge le fera exploser et ma mort entraînera celles de
plusieurs centaines de soldats Américains, du moins c'est pour ça que
je vole
dans sa direction, c'est ce que j'espère de tout mon cœur.
Je
n'ai pas
peur de perdre la vie, je me sens même heureux que l'on m'ait confié
une telle
responsabilité. Je sais que je vais donner mon corps, mon âme à ma
patrie mais
c'est pour le bien et la gloire de la toute puissante Nation Japonaise.
Mon
existence est insignifiante depuis toujours et là elle ne peut servir
qu'au
bénéfice de tous. Nous sommes les plus forts car nous savons, tous ceux
qui se
sont engagés dans l'armée, que nous ne sommes que des pions sur un
échiquier.
J'ai
bien
dit que j'étais un pion, je le sais, je n'ai pas l'arrogance de croire
que mon
acte va changer la face du monde, seulement nos bombes n'ont pas la
capacité de
détruire leurs bateaux. Nous manquons cruellement effectifs et de
carburant
pour ramener nos avions, autant faire le plus de dégâts possibles de
cette façon.
Comme
un
capitaine se doit de périr avec son navire, je mourrai aux commandes de
mon Mitsubishi
A6M. C'est la méthode la plus sûre afin de s'assurer que
l'aéroplane va
bien sur sa cible. De toute façon, si l'on s'éjecte et que le bâtiment
n'est
même pas touché, quelle honte pour nous pilotes, et cette humiliation
pourrait
retomber sur toute notre lignée.
Puis
si l'on
s'est fait catapulter, nos frères d'armes doivent risquer leur
existence pour
nous récupérer. Pourquoi ma vie serait-elle plus importante que celle
de ceux
qui doivent me sauver ? Pourquoi vouloir jouer plusieurs coups quand on
vous
dit que vous n'avez qu'un rôle à interpréter ? Pourquoi essayer
d'attirer la
gloire sur sa petite personne ?
Mon
peuple
est humble, mon peuple est discipliné. On n'a pas besoin des lauriers
pour
avoir voulu viser plus grand que ce pour quoi l'on est venu sur cette
Terre. Je
ne ferai pas ça. J'aime trop mes parents pour leur infliger une telle
humiliation.
Alors
que je
vole vers mon objectif, je préfère de loin penser que je vais faire
honneur à
ma famille et mes ancêtres, son nom ne sera certainement pas connu, il
ne va
pas rentrer dans l'histoire à la suite de mon acte. Mais, ils sauront
que j'y
ai participé et c'est déjà plus qu'il n'en faut pour se sentir honoré
auprès
des miens.
D'autant
plus que moi, Hikaru Nakagawa, je proviens d'une famille de pauvres
paysans.
Mes parents, mon frère, ma sœur et moi, nous sommes nés au départ pour
nourrir
la Mère Patrie, c'est une très grande reconnaissance qui est faite à
mes
ascendants. Depuis des générations et des générations, grâce à nos
travaux dans
les champs, nous approvisionnons beaucoup de personnes, comme ces
dernières ne
doivent pas cultiver le sol, elles peuvent ainsi vaguer à des tâches
plus
importantes. C'est à cause de notre labeur que les dirigeants ont
l'esprit
libéré de ce genre de futilité afin de guider uniquement le pays.
N'allez
pas
croire qu'on cherche à s'élever au-dessus de notre condition, mais on
est
heureux que notre droiture et hargne aux besognes de la ferme soient
reconnues
en haut lieu pour ce qu'elles sont.
Quand
dans
le courant de l'année mille neuf cent quarante-trois, des avis ont été
placardés dans beaucoup de villages afin de trouver de nouveaux
volontaires
pour s'enrouler dans les rangs de notre glorieuse armée. Mon père m'a
encouragé
à y répondre en allant prendre le formulaire d'inscription auprès du
chef de
canton. Je n'avais que seize ans, mon enseignement scolaire n'était pas
terminé
mais on avait besoin de moi, j'étais le fils aîné, c'était mon rôle de
m'engager, mon père était trop âgé pour s'y rendre lui-même. Autant que
la
famille Nakagawa envoie de la jeunesse au combat, de la vivacité.
Même
s'il ne
sait pas bien lire et écrire, mon père m'a regardé remplir
soigneusement le
document de ma calligraphie appliquée. Il m'a ensuite donné quelques
Yens que
je puisse l'expédier à la bonne adresse.
Il a
fallu
attendre, espérer et puis un jour le facteur s'est arrêté à notre porte
pour
nous remettre une convocation.
Mon
inscription avait été acceptée pour servir dans les forces armées, je
me suis
tourné vers mon père et j'ai vu pour la première fois une larme de
bonheur se
dessiner dans le coin de ses yeux noirs. Son fils allait faire honneur
à son
pays et il serait un des éléments qui allait permettre d'instaurer la
victoire
contre ses diables d'Américains, tout ça pour la gloire du Japon.
J'avoue
que
la période d'instruction n'a pas été facile pour moi. J'avais tellement
de
choses à apprendre. À part le travail dans les champs, je ne
connaissais pas
grand-chose à la vie que j'allais mener prochainement, très loin de
l'enseignement que j'avais reçu depuis mon entrée à l'école. Mon niveau
en
mécanique n'était pas élevé, notre ferme n'ayant pas les moyens
financiers pour
posséder des appareils agricoles modernes, tout était fait manuellement
à la
force du poignet. J'avais un atout néanmoins, une bonne condition
physique
créée à l'aide des maniements de la bêche, de la houe. Voilà ce que
j'avais
dans mes bagages quand je suis arrivé au centre de formation avec les
nombreuses nouvelles recrues venant de tous les coins du Japon.
J'ai
mis
tout mon cœur à l'ouvrage, toute mon âme également, je ne voulais
surtout pas
devoir rentrer chez mes parents à cause de mon incompétence à la fin de
la
quinzaine d'apprentissage. J'avais bien trop peur d'amener le
déshonneur sur
eux parce que j'aurai été incapable de m'intégrer et m'instruire. Non,
mes
géniteurs ne méritaient pas que je les accable de cette ignominie.
La
première
chose qu'on m'a apprise, c'est les bases du combat au corps à corps,
puis le
maniement des armes à feu. Nos entraînements ont été draconiens. Nous
nous
levions à l'aube afin de répéter continuellement les mêmes mouvements,
à
l'infini, jusqu'au moment où la centaine de soldats ne formait plus
qu'un seul
être, une machine bien huilée. Nous ne réfléchissions plus à ce qu'on
devait
réaliser, nous le faisions un point c'est tout. Nous étions heureux et
fier du
travail que nous avions accompli en si peu de temps. Nous allions
pouvoir nous
rendre sur le terrain. Nous avions réussi notre première mission.
Par
petit
groupe, nous avons été envoyés à droite et à gauche pour nous battre au
corps à
corps afin d'empêcher l'ennemi d'avancer sur nos terres. J'étais
content de
pouvoir partir au combat, me dire que je faisais honneur à mon pays.
Quel
soulagement pour moi de revenir en vainqueur des batailles c'était
grisant de
se dire qu'on allait bientôt recommencer à combattre et que la victoire
s'approchait de jour en jour.
Savoir
que
j'avais survécu et que je pourrais à nouveau servir ma patrie me
gonflait le
cœur. Je n'étais pas le seul dans cet état-là, tous ceux qui partaient
et
revenaient pensaient comme moi. Nous nous reposions, nous nous
alimentions dans
le seul but de repartir rapidement sur le front. Seulement, je n'ai
fait ça que
durant une courte période, un petit trimestre, la malchance m'est
tombée dessus
lors d'un affrontement.
Alors
que
j'avançais, fusil à la main, une balle est venue traverser ma jambe
gauche. La
lésion était vilaine mais pas mortelle. Mon fémur s'était brisé sous le
choc du
projectile. Avec l'aide d'un autre soldat qui lui était blessé au bras,
nous
avons repris la direction du camp pour nous faire soigner. Si lui a pu
reprendre l'action rapidement. Moi, on m'a placé un plâtre après avoir
retiré
la cartouche et l'on m'a dirigé vers une nouvelle section.
J'avais
peur
que ça ne soit une voie de garage, juste un endroit où l'on allait me
laisser
mourir. Mais non, j'ai eu droit à un enseignement succinct de la
mécanique. On
m'a expliqué comment m'occuper d'un moteur durant toute la période où
je n'ai
pas pu poser mon pied par terre. Comme ça, dès que je pourrais me
déplacer à
nouveau, je serai affecté à l'entretien des avions et des automobiles
de notre
glorieuse armée.
C'est
ce que
j'ai fait durant les cinq semaines suivantes. Dès qu'un avion
atterrissait,
j'arrivais le plus vite possible avec mes béquilles et j'effectuais la
remise
en état de la turbine, je rajoutais de l'essence, de l'huile pour qu'il
puisse
repartir rapidement au combat.
Au
début de
la sixième semaine, on a ôté mon plâtre. J'étais impatient de savoir
quand je
pourrais retourner sur le front. C'est en toute confiance que j'ai
regardé le
capitaine de la garnison venir me trouver alors que je m'occupais d'un
avion.
Une
fois que
l'appareil a repris les airs, il m'a signalé que j'allais pouvoir
participer à
une manœuvre primordiale pour la victoire et la destruction des
Américains. Ma
jambe était suffisamment réparée pour que je puisse à nouveau servir
mon
drapeau mais pas assez pour retourner sur le front avec un fusil à la
main
surtout que dorénavant je boitais.
J'ai
senti
mon cœur se gonfler de fierté, je faisais honneur à la famille
Nagakawa, on
reconnaissait ma valeur de combattant, je n'étais plus un fermier à
leurs yeux.
Ils auraient pu aussi me garder à l'entretien des avions mais on
estimait que
je pouvais faire plus que ça.
Seulement
pour cette nouvelle vie, on m'a demandé de suivre un entraînement plus
spécifique d'une durée de sept jours. Durant les deux premiers, j'ai
passé
plusieurs heures dans un simulateur de vol de manière à pouvoir
apprendre à
faire décoller et atterrir un avion. Nous ne possédions pas assez
d'appareils
pour le faire dans la réalité, ils sont bien trop précieux pour nous
les
confier pour un apprentissage. Je n'en revenais pas, ainsi ma prochaine
mission
ne serait plus sur la terre mais dans les airs. J'allais poursuivre les
bombardiers ennemis. J'allais me battre dans le ciel. Je me voyais déjà
réaliser un ballet aérien et en sortir vainqueur à chaque fois.
J'allais
mitrailler les porte-avions américains pour les envoyer par le fond et
détruire
tous leurs appareils avant qu'ils ne décollent. C'était plus que je ne
pouvais
m'imaginer quand je remplissais laborieusement le formulaire
d'inscription.
Le
soir,
couché dans mon lit, je vivais par procuration les combats dont j'avais
entendu
parler. C'était moi qui les réalisais enfin. Je me visualisais en train
de
voler dans les nuages pour ne pas attirer l'attention sur mon zero
et
abattre des avions ennemis qui s'approchaient trop près de la zone où
les
soldats se battaient. Parfois, d'autres images se succédaient dans mon
esprit,
j'essayais de couler un croiseur américain en lui tirant dessus,
passant entre
les tirs de la DCA avec un brio jamais égalé. Je n'étais pas mauvais au
simulateur, mais la nuit je devais un pilote chevronné.
Au
matin,
quand le son du clairon me réveillait, j'avais des difficultés à ne pas
soupirer de voir que j'avais beaucoup de travail à réaliser pour que
mes rêves
puissent devenir réalité. Je reprenais les cours avec encore plus
d'assiduité.
Il avait fallu deux jours à notre futur escadron pour apprendre les
bases du
pilotage, toutes les manœuvres nécessaires pour se diriger dans le ciel.
Mes
songes
me permettaient d'oublier les longues heures d'entraînement, les
courbatures
qui en découlaient immanquablement. Mes affabulations me faisaient voir
un
avenir que j'espérais heureux. La nuit, ma cible de papier se
transformait en
porte-avions réel et si je ne savais pas l'endommager suffisamment pour
qu'il
ne vogue plus. Je me voyais lâcher ma bombe sur un navire américain et
je le
voyais couler lentement alors que je le survolais. Je savais que je
rêvais. Je
savais qu'on n'avait pas toujours la puissance pour réaliser ce qui me
faisait
si plaisir la nuit, seulement ça me donnait la force de me lever le
matin et de
reprendre l'apprentissage.
Durant
les
trois dernières journées d'instruction, on nous a expliqué toutes les
tactiques
qui avaient déjà été réalisées en combat aérien. Les petites astuces
pour que
nous ne nous fassions pas repérer. Les meilleurs moyens afin d'échapper
à un
rival pour que nous arrivions tout de même à notre cible. Je n'aurai
jamais
imaginé qu'il y avait autant de possibilités de ne pas devoir affronter
l'ennemi. Je ne comprenais pas bien pourquoi on nous enseignait ça
puisque nous
allions devenir la force aérienne. Nous allions défier l'adversaire,
j'en étais
certain et nous le vaincrions, c'était pour ça qu'on nous avait
enseigné les bases
du pilotage.
Et
puis à la
fin de la septième journée, j'ai compris les raisons de cet
apprentissage. Un
grand vice-amiral avait eu une idée de génie. Puisque nous manquions
d'avions
et de carburant, les appareils légèrement endommagés, mais sachant
toujours
voler, seront envoyés sur les bateaux rivaux avec une énorme bombe sous
le
fuselage pour les couler. Moi qui avais rêvé d'un Mitsubishi A6M flambant
neuf, j'étais un peu déçu. Seulement plus notre supérieur parlait, plus
je me
disais que le concept était fantastique et complètement innovant.
Les
Américains ne s'attendaient pas à une action de ce genre. Notre
instructeur
nous raconte pour nous motiver que les premiers avions utilisés avec
cette
méthode, ont fait un véritable carnage. Ce peuple arrogant ne peut pas
comprendre l'honneur qui nous est fait de mourir ainsi pour la patrie.
Ils
n'avaient pas prévu qu'on puisse imaginer un moyen aussi radical et
leur flot
avait été envoyé par le fond ou avait été fortement endommagé.
Gloire
au
Japon.
Au
matin du
huitième jour avant que nous montions dans nos avions. Nous avons
participé au
cérémonial de départ, comme je l'ai vu faire plusieurs fois. C'était un
véritable honneur d'être parmi ces pilotes sélectionnés pour cette
mission.
Face au drapeau et au portrait installé dans le campement, j'ai juré
allégeance
à notre Empereur Hirohito Shõwa. J'ai récité avec mes compagnons, comme
le veut
la tradition, un poème d'adieu. Une fois ce dernier terminé, je me suis
tourné
vers mon lieu de naissance et le village de mon enfance, la terre de
mes
ancêtres. J'ai levé le verre de saké qu'on m'avait donné et je l'ai
vidé d'une
traite en pensant très fort à mes parents restés là-bas.
J'étais
fin
prêt pour mon ultime mission. Comme mes camarades, j'ai passé mon
casque sur ma
tête. J'ai ôté le bandeau aux couleurs du Japon de la poche de ma tenue
afin de
le nouer par-dessus mon chapeau. Maintenant, j'allais pouvoir rendre à
mon pays
tous les bienfaits qu'il avait apportés à des milliers de concitoyens.
L'heure
de voler réellement et de combattre une ultime fois était arrivée.
Mon
escadron
est composé de cinq avions. Nous allons décoller dès les premières
lueurs de
l'aube un toutes les demi-heures. Nous monterons dans les nuages afin
de
masquer au maximum notre position. Nous avons reçu l'ordre de prendre
la
direction du navire américain USS Bunker Hill qui vogue en ce
moment au
large des îles Kyūshū dans l'Océan Pacifique.
J'ai
vérifié
tous mes cadrans comme on me l'a appris. J'ai calculé la force du vent
pour ne
pas dévier. En regardant le ciel, j'ai souri en constatant qu'il y
avait encore
plus de nuages bas au-dessus de la mer. La défense américaine va avoir
des
difficultés à nous localiser au visuel et elle ne pourra pas nous tirer
dessus
avant que nous sortions, il sera certainement trop tard pour qu'elle
puisse
faire quelque chose.
Maintenant
que l'adversaire a repéré notre tactique d'attaque, nous ne volons plus
en
escadron serré pour leur arriver dessus en plongeon groupé. Nous avons
reçu
l'ordre venir par vagues successives d'avion, un après l'autre nous
allons
torpiller la flotte ennemie. J'ai eu l'infime honneur de pouvoir être
le
premier à réaliser l'action.
Je
dois
encore voler un peu avant de pouvoir amorcer ma descende et me laisser
tomber.
Plus j'aurai de la vitesse, plus je ferai de dégâts. La bombe que je
transporte
sous mon fuselage explosera sous l'impact et détruira, je l'espère, une
bonne
partie de ce porte-avions. Un de mes collègues viendra achever le
travail, si
je ne l'ai pas assez abîmé. Nous recherchons également un moyen
d'empêcher ces
navires de participer à la guerre, s'ils sont hors services pour
réparation,
c'est tout aussi bien pour nous. Si ce que j'ai fait est suffisant, les
trois
derniers avions retourneront à la base, s'ils ne sont pas expédiés vers
un
autre objectif. Je préfère de loin être dans la première salve plutôt
que de me
demander si je vais pouvoir rendre gloire à mon pays avec mon acte
héroïque
aujourd'hui. C'est maintenant que je veux le faire, c'est maintenant
qu'est
arrivée mon heure.
Une
bouffée
d'allégresse m'envahit en réalisant que ma misérable vie va servir à la
grandeur du Japon. Un soupçon d'orgueil me gonfle pour être un membre
important
du rouage inventé par ce vice-amiral qui va nous faire gagner la guerre.
Si
j'ai vu
mon objectif, il était encore loin, j'ai voulu m'approcher en repassant
dans
d'autres nuages. J'ai volé en aveugle le temps que j'ai estimé
nécessaire pour
réussir parfaitement ma mission. Il est temps pour moi de jouer ma
dernière
carte et de me montrer à l'ennemi, de me laisser tomber sur USS Bunker
Hill.
Et
puis,
c'est l'horreur, maintenant que je suis sorti des cumulus, que j'ai mon
visuel,
je constate que mes cadrans m'ont induit en erreur, je suis à au moins
cent
mètres du point de collision. La panique m'envahit, ça ne peut pas
m'arriver.
Il faut que je trouve une solution pour réparer ma faute. J'essaye de
me
rappeler les manœuvres de pilotages que j'ai appris en début de
semaine, il n'y
a pas si longtemps. Je ferme les yeux une fraction de seconde. Je
souffle un
grand coup et je tire sur le manche à balai le plus fort que je peux
pour
essayer de faire remonter mon Zero et gagner de la distance.
J'ai
beau me
cramponner à mon levier, ça ne marche pas. Il me faut une autre
tactique le
plus rapidement possible. Si je tentais de le faire pivoter afin de
m'écraser
contre la coque à la hauteur de la ligne de flottaison.
Des
deux
mains, je braque le plus possible vers mon objectif. Si mon Mitsubishi
A6M
tourne un rien, ce n'est pas suffisant pour me rapprocher de ma cible.
Est-ce
qu'elle m'a détecté par radar ? Est-ce qu'il a viré de bord parce qu'il
se
méfiait alors que j'étais encore dans les nuages ? Est-ce que j'ai mal
calculé
ma trajectoire ? Est-ce que mes appareils de repérage sont défectueux ?
C'est
beaucoup trop de questions auxquels je ne sais pas répondre, je n'en ai
pas le
temps, je n'en ai pas les connaissances, on ne me les a pas apprises
durant
cette dernière semaine.
Alors
que je
me rapproche de l'eau et que je sais que je ne peux plus rien changer à
mon
destin. Je ne sais toujours pas la raison réelle de mon échec, et ça me
mine.
Je ne suis qu'un bon à rien. Je n'ai pas pu combattre longtemps dans
l'armée de
Terre, il a fallu que je me prenne une balle et que je sois expédié
loin du
champ de bataille. Je ne suis même pas capable d'honorer un simple
contrat que
l'on m'a dit de réaliser. Je viens en plus d'entraîner sur toute ma
famille la
honte et le déshonneur. Je vais décevoir mon père, mon chef d'escadron,
l'Empereur Hirohito Shõwa.
Et le
pire
que tout dans cette histoire, c'est que ma mort ne va servir à rien !
Je ne
participerai pas à la victoire de mon pays, quelle humiliation !
Insignifiant,
je resterai insignifiant.
Un
flash se
fait dans mon esprit alors que mon avion va percuter la surface de
l'Océan
Pacifique. J'ai amené tout seul la honte est sur moi et mon foyer parce
que
j'ai voulu que mon nom entre dans l'histoire. J'ai amené la honte est
sur moi
parce que j'ai voulu sortir du lot. J'ai camouflé mon arrogance en me
mentant à
moi-même, en me disant que je réalisais une bonne action. À cause de
tout ça,
je suis en train d'accomplir une mission vierge de résultats. Pire que
tout,
j'entraîne avec moi un Mitsubishi A6M et une bombe de deux cent
cinquante kilos qui auraient pu être mieux utilisés surtout par
quelqu'un de
plus humble.
Je
ferme les
yeux, je serre les dents, la douleur est immense.
Petit
texte
préparé pour un concours dont je n'ai jamais reçu de nouvelles, j'ai eu
beau
envoyer des mails, on ne m'a jamais répondu.
Le
thème :
la seconde avant de mourir.
Si ça vous a plu, vous pouvez m'envoyer un MP
Merci de me signalrer pour quelle histoire vous m'écrivez