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La nonne respectable


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Dans le meilleur des mondes, les parents veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants. Quand ils ne se sentent pas toujours capables de le faire eux-mêmes, ils préfèrent confier leurs progénitures adorées à des internats dirigés par des religieuses ou religieux. À leurs yeux, c'est le plus sûr moyen de leur montrer directement le droit chemin, leur inculquer de bonnes bases, des valeurs sûres et la religion par la même occasion.

C'est comme cela que la jeune Esméralda Garcia s'est retrouvée à faire sa scolarité dans le couvent des jours heureux. Elle y est arrivée à ses six ans, conduite par son papa et sa maman afin de lui donner la meilleure éducation possible. C'est du moins cette raison que ses parents lui ont donnée pour la décider à obéir et monter dans la voiture.

Arrivé devant les grilles de l'établissement perdu en pleine forêt, ils lui ont redit une nouvelle fois, que ce n'était pas pour se débarrasser d'elle, ni parce qu'ils vivaient une situation difficile pour le moment.

Non, c'était réellement pour son bien et non parce qu'il fallait un peu d'espace à ses géniteurs.

La première nuit dans le dortoir avait été très pénible pour la pauvre fillette. C'était la première fois qu'elle dormait en dehors de la maison et en plus elle était entourée de gens qu'elle ne connaissait pas. Une fois couchée dans son lit, elle avait commencé à pleurer d'abord silencieusement et puis elle n'avait plus su retenir ses sanglots. Elle qui a toujours dormi avec son chat se trouve bien seule dans ce dortoir rempli de filles indifférentes à sa situation.

Une autre expérience pénible commençait pour elle, ses pleurs ne furent pas consolés par une bonne aimante, comme cela avait été le cas depuis qu'elle était née. La jeune Esméralda considérait sa nourrice comme sa mère bien avant l'autre qui l'avait conçue et s'occupait si peu d'elle durant la journée.

Elle ne pleurait pas que sur cette situation toute nouvelle pour elle, mais aussi sur la perte d'Irène, sa bonne, qui lui avait dit adieu au moment de monter dans la voiture et spécifier à l'oreille que ses parents lui avaient signifié son préavis.

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Le matin après sa première nuit est encore plus pénible pour Esméralda, ses camarades ricanent d'elle pour avoir pleuré avant de s'endormir. C'est vrai qu'elle avait espéré un moment un peu de réconfort quand une jeune novice était venue voir pourquoi il y avait tellement de cris et des rires, alors que les jeunes filles de bonne famille étaient censées dormir.

Seulement Esméralda ne trouva pas l'adoucissement tant désiré, elle trouva pour la première fois de sa vie des brimades et des recommandations pour le futur au lieu de bras rassurants.

Sa deuxième nuit n'est pas meilleure, personne ne vient pour la consoler une nouvelle fois. Au bout d'une semaine, Esméralda s'était fait une raison, d'autant plus qu'elle n'était pas la seule dans cette situation. Elle avait l'impression d'avoir été déposée ici pour qu'elle ne gêne pas. Au bout d'un mois, elle n'avait toujours pas reçu de nouvelles de ses parents. La seule personne qui lui écrivait c'était Irène pour lui parler de sa récente place.

Quand les vacances de Noël arrivent, elle est heureuse de voir son papa l'attendre, seulement elle est étonnée de ne pas retourner dans son ancienne maison. Dorénavant, son père habite un petit appartement en centre-ville, elle a une chambre dans une toute petite pièce.

Au soir, Esméralda n'y tient plus, elle pose la question qui lui brûlait les lèvres depuis que son père était venu la chercher.

« Maman arrive quand ?

— Nous sommes en instance de divorce, tu la verras pour les vacances de Pâques. Comme je ne tiens pas du tout à la voir après ce qu'elle m'a fait, c'est mieux ainsi.

— Même pas pour le réveillon ?

— Mais nous allons bien nous amuser, j'ai pris quelques jours de congé et puis mamy viendra te garder. »

Elle avait été gâtée, elle avait reçu de nouveaux vêtements, un jeu de solitaire pour l'utiliser à l'internat. Elle avait embrassé son papa devant la grille du couvent des jours heureux et avait remonté l'allée bordée de sapin. Dans certains arbres, elle entendait des merles chanter à la nuit tombante.

L'école avait repris, elle y trouvait du réconfort dans l'étude du français et des calculs. Elle était heureuse de ne plus devoir demander à Sœur Agathe de lui lire le courrier d'Irène et de devoir lui demander son aide pour y répondre. Une fois par semaine, elle écrivait à son ancienne nourrice, cette dernière lui répondait le plus rapidement qu'elle pouvait.

Au moment des vacances de Pâques, c'est sa maman qui vient la chercher. Esméralda était au comble du bonheur en retrouvant son ancienne chambre et ses affaires même si une partie de ses jouets avaient été donnés à une association. Sa mère avait engagé une jeune fille pour la surveiller pendant qu'elle serait au travail.

« Maman, où est mon chat ? demande-t-elle de ne pas l'avoir encore vu courir vers elle.

— Cette sale bête n'arrêtait pas de miauler en tournant en rond dans la maison, je l'ai donné à une association. Il a été replacé dans une famille, je crois. »

Le cœur gros, elle monte dans sa chambre. Sa mère n'avait jamais eu beaucoup de temps pour s'occuper d'elle, c'était pour ça qu'elle avait engagé à domicile Irène. Esméralda savait qu'elle ne verrait pas son papa avant les grandes vacances, elle s'était fait une raison.

Les quinze jours de vacances étaient passés rapidement, Rose, la baby-sitter s'était bien occupée d'elle. Elle n'avait vu sa mère que durant le week-end et encore pas tout le temps mais elle ne s'en plaignait pas plus que ça.

Sa vie avait changé, elle n'était certes pas aussi belle que l'ancienne mais elle y avait des joies et des peines comme avant, elle avait grandi. Les sœurs lui avaient appris à se débrouiller toute seule.

Avec l'approche des grandes vacances, tous les enfants remettent en état le dortoir, l'année prochaine certaines petites filles ne seront plus là, il faut faire place neuve pour la rentrée à venir. Les posters sont ôtés, les murs sont repeints en blanc. Le dernier jour, chaque fille doit enlever les draps pour les déposer à la buanderie, plier les couvertures sur le matelas et vérifier qu'elle n'a pas oublié quelque chose dans l'armoire qui lui est attribuée durant toute l'année.

Sa valise à la main, Esméralda attend la voiture de son papa près de la grille tout en discutant avec sœur Clarence. Son père arrive avec une demi-heure de retard, il ne descend même pas de l'automobile.

« Bonnes vacances Esméralda.

— Merci, à l'année prochaine certainement. »

Sœur Clarence voit la petite fille aux cheveux noirs de jais hisser sa valise sur le siège arrière avant de venir s'installer près de son papa. Elle lui fait de grands signes alors que la voiture s'éloigne rapidement.

« Je te dépose chez papy, je viendrais t'y rechercher la semaine prochaine et nous irons à la mer dans quinze jours juste avant que je ne te dépose chez ta mère.

— Tu as pris des congés ? demande-t-elle poliment.

— Quinze jours, et j'ai déménagé, il faudra m'aider à tout tapisser, ça sera amusant.

— J'aurai une chambre plus grande ?

— Pas vraiment, quand tu n'es pas là, ça doit être mon bureau. J'ai changé de travail également. Mais tu vas aimer ce quartier, il y a beaucoup d'enfants. »

Esméralda lui sourit et se laisse conduire. Elle est heureuse de retrouver son papy, de lui montrer ce qu'elle a appris, de faire de longues promenades dans la campagne avec lui. Elle est presque triste quand son père vient la chercher, mais également impatiente de découvrir le nouvel appartement de son papa.

Il est situé dans un ensemble de trois immeubles de quatorze étages, son père vit au douzième, il y a une vue magnifique sur le fleuve qui passe tout près. Tous les enfants jouent dans une plaine de jeux situés entre les trois tours sous la surveillance de certains parents ou de grands frères ou sœurs.

Après lui avoir montré comment ouvrir la porte d'entrée avec le digicode, son papa lui montre l'appartement, un petit trois-pièces, il n'a pas besoin de plus grand, il n'est pas souvent là.

Une fois de plus, Esméralda a l'impression qu'elle gêne, son père la dépose au pied de l'immeuble après son déjeuner avec un petit sac pour son repas de midi, il la récupère au soir quand il a fini sa journée de travail.

Au moins, la semaine suivante, ils s'amusent énormément en travaillant dans le nouvel appartement et puis à la mer. Sur le chemin du retour, elle est déposée avec son linge sale chez sa mère qui commence directement à pester contre son père pour tout le travail qu'il lui laisse, son incompétence.

Esméralda ne peut pas dire que ses vacances chez sa maman se sont moins bien passées que chez son papa, c'était différent. Sa mère n'ayant pas pris de jours de congé, elle retrouve la même jeune fille qu'aux vacances de Pâques et passe de bons moments avec elle.

Elle est presque satisfaite de retrouver le couvent des jours heureux, elle récupère le même lit et le même casier dans le dortoir. Dans le noir, elle entend une petite fille pleurer de se retrouver dans ce lieu inconnu, ne tenant pas à ce qu'elle revive ce qu'elle a subi, Esméralda se lève pour venir la consoler, comme l'aider à trouver ses points de repère dans cette nouvelle vie.

Une fois au couvent, elle peut à nouveau écrire à Irène, chose qu'elle n'a pas osé réaliser durant les grandes vacances de peur que ses parents ne se fâchent ou ne lui transmettent pas son courrier.

Les années se suivent et se ressemblent, il y a maintenant trois ans qu'elle fait sa scolarité ici, elle s'y sent bien même si ses parents lui manquent atrocement.

À Suivre...

 
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