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Début d'écriture 22/01/2020.
Occupe-toi de moi 3
Ensemble, ils se dirigent vers la cour où il
y aura l'appel, par tous les temps, à sept heures trente avant le déjeuner.
Pendant qu'un éducateur fait l'appel, un autre vérifie les dortoirs pour savoir
ceux qui peuvent aller manger. L'appel de douze heures trente est nécessaire
pour répartir les corvées supplémentaires. Celui de seize heures trente pour
préciser ce qui n'a pas encore été fini. Le dernier appel se fait peu avant le
souper, puis il y a les douche ou lavage à l'évier et retour dans les dortoirs,
extinction des feux à vingt et une heures.
— Je me demande qui seront les quatre autres
dans notre dortoir, j'espère qu'ils seront gentils, lâche Gérard en allant voir
les lapins.
— On fera avec sinon.
Ils n'ont pas si longtemps à attendre avant
de voir sortir un groupe de garçons du bâtiment. Les deux nouveaux n'en mènent
pas large devant toutes ces têtes nouvelles.
— Brica, Castor, à l'intérieur pour donner un
coup de main à votre dortoir, interpelle un éducateur.
Ainsi, ils sont de corvées pour l'entretien
des classes cette semaine.
Les deux jeunes courent vers l'éducateur qui
lâche.
— Brica comme le juge de la jeunesse ?
— Oui, c'est mon père, dit-il d'une petite
voix.
— Il ne doit pas être fier de toi.
Gérard rougit
Paul s'arrête.
— Tu m'as dit de faire confiance au juge !
s'indigne-t-il.
— Comme juge, c'est le meilleur, je te le
promets, Paul.
— Avancez, les autres ne vont pas tout faire
pour vous, c'est au fond du couloir, Lafaille vous expliquera.
Gérard sent un froid se glisser entre lui et
Paul. Ce dernier va le plus loin possible de celui qui était son ami, il n'y a
pas si longtemps. Pour l'entretien des classes qui se fait le mercredi, ils
doivent mettre les chaises sur les bureaux. Après avoir donné un coup de
poussière, ôter les saletés. Mais il n'y en a pas beaucoup, aucun n'a envie d'avoir
un retour de bâton et une classe dégoûtante quand ce sera à son tour de
nettoyer. Les poubelles doivent être vidées, les poussières faites sur les
appuis de fenêtre et un coup de balai doit être donné. Après ils peuvent passer
la serpillière entre les bancs et sur l'estrade. Bien sûr, le tableau doit être
nettoyé, il y a deux classes, à trois par classe maintenant c'est plus rapide.
Paul est content d'être envoyé dans une autre pièce que Gérard pour travailler.
Lafaille explique que nettoyer le tableau et
prendre les poussières, c'est à faire tous les jours et passer le balai si
nécessaire.
C'est le cœur gros que Gérard se met au
travail. Il faut qu'il ait une discussion avec Paul. Après les corvées, les
jeunes ont quartier libre une demi-heure avant de se rendre à la salle d'étude
qui est aussi le réfectoire pour les devoirs. Gérard et Paul, n'en ayant pas eu
cours, sont convoqués par l'éducateur afin qu'ils réalisent un test pour
évaluer leur niveau.
Pour Gérard, ce n'est pas le moment de parler
à son ami, il voit bien qu'il a des difficultés pour remplir le questionnaire.
Il ne doit pas avoir eu quelqu'un pour l'aider après les cours, au moins, ici
il va être remis à niveau, on va lui donner un métier.
Gérard doit attendre peu avant le souper pour
avoir sa discussion. Il voit Paul dans un coin de la cour, seul, alors il
n'hésite plus autant vider l'abcès.
— Tu n'es qu'un traître, Pierrot avait
raison, lâche Paul en le voyant venir.
— Non, j'avoue qu'en traînant dans les rues,
je voulais une réaction de mon père, mais elle a tellement tardé que j'ai été
heureux de trouver une famille qui s'intéressait vraiment à moi.
— Maintenant que la bande est arrêtée, tu vas
sortir, rage-t-il.
— L'inspecteur Gravier a prévenu mon père le
jour avant notre arrestation, il n'a rien trouvé de mieux à lui dire qu'il
devait faire son métier. Il ne m'en a même pas touché un mot, il m'a laissé
aussi seul qu'avant alors que j'avais lancé un SOS. Paul, je suis dans le même
bateau que tout le monde ici.
Il n'ose même pas lui dire que c'est sûrement
pire pour lui si on apprend qu'il est le fils du juge Brica, les jeunes
auraient encore plus l'impression d'être observés. Ils auraient, comme Paul, la
certitude qu'il n'est qu'un traître, un jeune à abattre. Il espère que les
éducateurs y penseront.
— Mais tu as foi en lui pour mes petits
frères.
— Oui, il se donne corps et âme pour son
travail. À un point qu'il en a oublié qu'il a une famille aussi. Ma mère lui reprochait
de tarder à rentrer, mais au moins on avait encore nos dimanches pour nous.
— Je vais te faire confiance parce que je
n'en sortirai pas seul. Mais ne m'abandonne pas ici.
— Promis, on sort ensemble ou je ne sors pas,
sourit-il.
Paul lui tend la main pour sceller leur
accord. De toute façon, ils sont plus fort à deux, surtout quand il voit les
grosses brutes qui sont chef de dortoir et qui usent de leur droit. Travailler
sous les ordres de Lafaille, lui a ouvert les yeux tout à l'heure. Ils ont dû tout
faire à deux. Leur chef est resté assis sur le bureau du professeur et l'autre
lui a soufflé à l'oreille être heureux de ne plus être seul pour réaliser. Son
binôme s'appelle Gaston.
Paul et Gérard vont ensemble vers le
réfectoire quand la cloche du repas sonne. Gérard fait la grimace, lui qui est
habitué à la bonne nourriture de Maria, regarde écœuré cette tambouille. Les
pommes de terre ressemblent à un amas de purée sans lait, il ne sait pas ce que
c'est ce truc vert dans l'assiette. Il n'y a pas de viande en plus. Il relève
la tête et voit Paul manger avec entrain, les autres aussi. Il soupire et
goûte, c'est insipide, mais il doit manger, il doit prendre des forces.
Arrivé, à la moitié de son assiette, il cale.
Paul à côté de lui a fini sa ration et l'observe.
— Tu veux la fin ? lui demande Gérard.
Paul n'a pas le temps de dire oui que celui
de l'autre côté lui a volé son assiette et commence déjà à l'engloutir.
— Si tu avais dit que tu avais encore faim,
j'aurai coupé en deux, lui lance Gérard sur un ton de reproche.
— Pourquoi partager quand je peux tout avoir,
lui rétorque l'autre.
— Je m'appelle Gérard, je suis du dortoir E
et toi ?
— Brica, on mange en silence, lâche
l'éducateur de son coin.
Gérard soupire, il sait qu'il a vu, mais il a
préféré ne pas intervenir, il ne trouve pas ça logique de laisser faire la loi
du plus fort dans ce genre d'établissement. L'autre a un sourire sarcastique.
Gérard ne veut pas en venir aux mains, mais il sait qu'il ne se laissera pas
faire non plus.
Après le repas pour les deux nouveaux, il y a
la gêne de la douche commune qui se prend deux fois la semaine. C'est à ce
moment-là que Gérard se rend compte que le corps de son ami est vrillé de
marques bleues et cicatrices.
Les pyjamas passés, retour pour tout le monde
aux dortoirs. Une nouvelle expérience pour Gérard qui a toujours dormi seul.
Lafaille, un grand gaillard de quinze ans aime terroriser son monde, il vient
se poster près de Paul en redressant toute sa carrure.
— Alors le nouveau qu'est-ce que tu as à
m'offrir pour ta protection ?
— Je n'ai rien, je n'ai jamais rien eu,
commence en bégayant de peur Paul.
— Alors tu seras mon esclave.
— Il n'a pas à faire ça ! s'indigne Gérard.
Il vient se placer près de son ami et fait
front.
— Pourquoi tu vas payer pour vous deux ?
sourit le chef.
— Je n'ai pas plus que lui. Nous sommes-là
pour purger une peine, réfléchir à nos mauvaises actions, pas pour te servir de
larbins, clame Gérard.
— Qu'est-ce que tu causes bien ! Tu feras mes
devoirs que j'aie des meilleures notes. Alors j'offrirai ma protection à toi et
ton petit ami.
— Je veux bien t'aider à faire tes devoirs,
mais les faire à ta place, ça ne rime à rien, ce n'est pas comme ça qu'on
progresse, réplique Brica.
Lafaille se redresse un peu plus, met ses
mains sur les hanches.
— Ce n'est pas comme ça que ça marche ici.
— Et bien c'est bien dommage, car on est tous
dans le même bateau, rétorque Gérard une fois de plus.
Son ami lui met la main sur l'avant-bras pour
attirer son attention, tout cela va finir par dégénérer. Surtout quand il voit
Lafaille s'approcher dangereusement de lui.
— Je suis le chef de dortoir, tu as intérêt à
faire ce que je te dis, si tu ne veux pas te faire punir pas les éducateurs.
— Gérard, s'il te plaît.
— Écoute ton petit ami, il est plus
intelligent que toi et bien plus docile.
Lafaille caresse tendrement la joue de Paul,
ce dernier frissonne de dégoût.
— Moi je me demande s'il ne va pas pouvoir payer
sa protection pour finir, sourit-il.
Gérard voit son ami se décomposer, alors il
n'hésite pas une fraction de seconde, il repousse le chef de dortoir. Il est
surpris de son geste.
— Mais pour qui est-ce que tu te prends ?
lâche Lafaille quand il se ressaisit.
Il avance menaçant vers Brica pour le
remettre physiquement à sa place. Gérard bombe le torse, il se doute que c'est
maintenant que tout se joue. Il a agi impulsivement, mais il va devoir assumer
son acte s'il ne veut pas vivre minimum quinze jours sous sa coupe.
Il sent Paul trembler. Comment peut-il
affronter son beau-père et fléchir ici.
L'éducateur arrive dans le dortoir à ce
moment-là.
— Qu'est-ce qui se passe ici ?
— Lafaille voulait profiter de Paul pour
payer de sa protection, réplique Gérard.
Il est encore trop habitué à ce qu'une équipe
éducative soit là pour eux comme dans son ancien établissement.
— Je vois. Chacun dans son lit et je ne veux
plus rien entendre.
Lafaille se retourne en murmurant.
— Je t'aurai.
Cela aussi il s'en doute. C'est dans ses
petits souliers qu'il va vers son lit de l'autre côté de l'allée. L'éducateur
éteint dès que tout le monde est couché.
Au bout d'une demi-heure, il y a certains
ronflements. Ses yeux se sont habitués à l'obscurité, il voit que le jeune
d'une douzaine d'années dans le lit d'à côté le regarde sans bouger. C'est
aussi à ce moment-là qu'il voit la silhouette dégingandée de Lafaille sortir de
son lit pour aller vers un autre. Des grincements se font entendre et des
gémissements. Gérard se redresse pour comprendre.
— Laisse, c'est Jean qui paye sa protection.
Moi, c'est Philippe.
— Pourquoi vous le laissez-vous martyriser ?
À plusieurs contre lui, on doit y arriver.
— Jean, ça ne le change pas, Pierre est plus
doux que son père, c'est à cause de ça qu'il est ici pour le protéger de lui.
— Pierre ?
— Lafaille, dors il ne touchera pas à ton
mec. Tu peux aller le retrouver si tu veux.
— Mais ce n'est pas mon petit ami, on faisait
juste partie de la même bande !
— Ne détrompe pas Pierre sur le sujet, il ne touche
pas aux mecs des autres.
Ainsi Lafaille ou Pierre a tout de même une
morale. Gérard se rend compte qu'il est la meilleure protection de Paul. Ce
dernier tremble dans son lit, il doit avoir peur d'être le prochain. Alors, il
sort aussi du lit pour aller se coucher près de son ami.
— Qu'est-ce que tu fais ? panique Paul.
— Si Lafaille nous croit ensemble, il ne te
touchera pas. On va s'en sortir tous les deux, murmure-t-il.
Il le prend dans ses bras et s'endort
rapidement.
À Suivre…
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Merci de signaler pour quelle histoire vous m'écrivez